Jean Vanier

 

Apprendre des pauvres et des vulnérables


par Jean Vanier 
dans Les signes des temps [1].

Dans l’Eglise et dans la société, de plus en plus de personnes découvrent la sagesse des pauvres. Il ne s’agit pas seulement de leur faire du bien, mais d’apprendre d’eux, de découvrir et d’honorer les dons qu’ils peuvent faire à travers et dans une relation amicale avec eux. N’est-ce pas le message du père Joseph Wresinski et du mouvement ATD Quart Monde ? Dans son livre Les pauvres sont l’Eglise, le père Joseph exprime bien cette réalité : s’approcher des pauvres nous transforme.

C’est aussi le message de tous ceux qui œuvrent dans les soins palliatifs en accompagnant des personnes en fin de vie. N’est-ce pas le message de tous ceux qui écoutent les enfants parlant avec tant de simplicité de leur amour de Jésus ? N’est-ce pas le message de l’Arche et de Foi et lumière ?

Je suis frappé lorsque je lis qu’il y a plus d’un milliard de catholiques et plus de deux milliards de chrétiens dans le monde, qui devrait alors être un lieu magnifique où vivre ! Mais tel n’est pas le cas. Aussi devons-nous au moins nous poser ces questions : comment se fait-il que notre monde ne soit pas plus humain ? La foi a-t-elle pénétré les corps et les cœurs ?

Par un repli identitaire, l’Eglise ne risque-t-elle pas de s’enfermer dans une ritualisation ? Sans la transformation réelle et profonde de nos cœurs, la foi ne change rien à la vie, elle n’engendre pas une vision nouvelle ni un monde nouveau. Cette transformation par la rencontre du pauvre et des personnes vulnérables est à la fois mystique, sociale et profondément humaine. Il nous faut penser une nouvelle sagesse, de nouvelles façons de vivre à partir de cette expérience.

[1] Jean Vanier, Les signes des temps à la lumière de Vatican II, Paris, Albin Michel, 2012, p. 136-138.