Une spiritualité à partir du plus pauvre (15)

Faire des plus pauvres

le centre et le moteur de toute action.

Les pauvres sont l’Eglise, p. 179.

Dire que les plus pauvres devraient être le centre et le moteur de nos actions, c’est dire que ce que nous pensons et faisons devrait puiser à la source que sont les plus pauvres.

Comme le dit le père Joseph Wresinski, il nous faudrait « faire des [plus pauvres] notre source de pensée et notre moteur de l’action ».

Ce serait une juste manière de « bâtir une communauté où il fait bon vivre pour tous. »  (Les pauvres sont l’Eglise, p. 211)

« Pour tous », c’est-à-dire non pas pour la plupart, pour le plus grand nombre, mais « pour tous sans exception ».

Et pour que le « pour tous sans exception » soit possible, il faut commencer par le plus pauvre et le plus petit. En effet souligne avec force le père Joseph « la priorité aux plus pauvres se place au point de départ, elle n’est jamais acquise chemin faisant ».   (Les pauvres sont l’Eglise, p. 121)

Une fois que le train est parti, on oublie les plus pauvres sur le quai de la gare, et on n’y pense plus. Si les plus pauvres ne sont pas dans la locomotive, à la fois comme moteur et guide, alors le train partira sans eux : ils n’auront pas le temps de monter ou de multiples difficultés les en empêcheront…

Sans les plus petits, le train s’égarerait dans des mondes qui ne peuvent pas répondre aux désirs des plus pauvres, parce que ces mondes n’ont pas été construits à partir de leur expérience de vie, à partir de leur pensée, à partir de leur foi…

« Il ne s’agit pas de nous satisfaire de la condition des pauvres mais de la transformer en les prenant pour partenaires et pour guides. »   (Les pauvres sont l’Eglise, p. 41)

Prendre les plus pauvres comme partenaires, c’est être avec eux, et non pas faire pour eux sans les avoir consultés.

C’est déjà une grande avancée dans la manière de reconnaître la place des pauvres dans notre société et dans notre Eglise. Mais ce n’est pas encore être dans la spiritualité du père Joseph : il nous invite résolument à les prendre pour « guides », et c’est tout autre chose.

Passer du « pour » à l’« avec » n’est qu’un aménagement, dans le même système de pensée : on améliore, les attitudes se modifient, il y a plus de respect, plus de bienveillance, peut-être plus d’efficacité, mais en définitive : rien n’est nouveau, c’est toujours la même chose sous des formes légèrement corrigées…

Le père Joseph pensait qu’il fallait faire à partir des plus pauvres.

A partir d’eux, ou à commencer par eux.

En fait mettre ensemble, et vivre ensemble les trois prépositions : pour, avec et à partir de, en donnant la toute première place et la première importance à la préposition à partir de, – qui n’est bien sûr pas qu’une préposition, mais une manière d’être qui suppose un retournement intérieur et spirituel.
La transformation visée est un recadrage.

Il s’agit d’un changement où c’est la référence qui change.