Une photo retrouvée

 

 

 

 

Un texte de Marcel Le Hir, membre du groupe de Rennes. Il a été rédigé le 25 novembre 2015.

 

 

 

 

C’est en allant puiser dans mon passé que j’ai découvert l’avenir. C’est en allant m’asseoir à la table de ceux que je ne connaissais pas que j’ai découvert ce besoin d’amour qui fait grandir et construit l’homme en fraternité.

Je ne pouvais imaginer qu’en écrivant ce livre « Ceux des baraquements », j’allais susciter de l’espoir pour d’autres, que j’allais recevoir autant de messages d’amitié qui font chaud au cœur, qui font renaître. Je ne pensais vraiment pas que cela allait changer ma vie et celle des autres, c’est surtout cela le principal. Ce n’est pas simplement mon histoire mais c’est celle de plein de gens qui se reconnaissent à travers la mienne. Elle devient une histoire collective.

Chaque rencontre, chaque personne qui m’accueille lors de mes déplacements sont des occasions de ressourcement et de bien être car nous sommes à la même hauteur ; je rends grâce au Seigneur de me permettre toutes ces rencontres où je trouve toutes les valeurs de l’être humain par leur générosité pour ceux qui souffrent dans leur solitude. Je suis à chaque fois transformé intérieurement, fort de ces expériences. Merci mes amis pour ces bienfaits. Quand je pense à ce que j’étais !

Il y a quelque temps, faisant du tri dans mon tiroir, je retrouve une photo datant de plusieurs années, avant l’écriture de mon livre (l’un de mes fils dans mes bras). Je ne peux que constater ce qu’elle me dit : la misère et la déchéance d’un homme qui donne l’impression de ne plus vouloir vivre, d’être en dehors du monde, et en même temps j’y vois l’amour d’un fils qui embrasse son père.

Je vais devant le miroir faire la comparaison avec aujourd’hui et là, je ne me reconnais pas, bien sûr, et cela me remue intérieurement. Deux images complètement différentes. Que s’est-il donc passé entre ces deux images espacées d’une dizaine d’années ? Quel bouleversement s’est opéré en moi pour que se produise, j’en suis persuadé, une renaissance ? Je me suis posé la question : devais-je mettre cette photo du « mal vivre » dans le grenier où on stocke toutes les vieilles choses qu’on oublie ? J’ai dit non !

Tout simplement parce que cette photo m’incitait à continuer à avancer et à ne pas retomber pour rester ce que je suis aujourd’hui et démontrer que l’on peut sortir de cette situation désespérée et aller vers les autres, ceux qui m’accordent une liberté d’écoute. Cette renaissance qui est comme le cri du nouveau-né qui dit oui à la vie m’a permis de crier par l’écriture de mon existence. Ce fut une victoire sur moi-même. Je suis sorti de la nuit pour aller vers le soleil. Grâce à tous ces messages que je reçois me disant que ça a changé leur regard, qu’ils ont envie de se mettre à l’écriture, d’autres d’arrêter la boisson, ou encore des envies d’engagement. Tout cela contribue à me faire grandir mais aussi à continuer ma libération intérieure pour laisser toujours plus de place à l’amour, m’incitant à travers mon témoignage à moissonner pour récolter toujours plus de fraternité, qu’on pourra partager comme on partage le pain. Remarquez que je cite trois mots qui ont leur importance : amour, pain, partage, mots que l’on retrouve dans la Bible.

A travers ce qu’on me dit, je m’aperçois que « Ceux des baraquements » est un message d’espoir qui permet à d’autres d’être libres, car on devient un autre quand on espère.

Mais pour vraiment concrétiser ma renaissance il fallait que je retourne au baptême, non pas celui que j’ai reçu à ma naissance, « quoique », mais un baptême qui m’aide à sortir de mon « moi » que j’étais, pour affirmer que je ne ressemblais plus à mon passé. Il me fallait réapprendre à parler à Jésus et c’est là que j’ai compris que Jésus était là où on l’attendait le moins.

Il m’a fait renaître de mon désert, pour entrer en conversion dans son Eglise, pour trouver une autre manière de vivre. Il m’a permis d’oser la rencontre, l’imprévu, j’ai mis ma foi en Lui et pour cela j’ai accepté d’être dérangé, bousculé, pour que mes gestes, mes actes ne soient pas muets. La parole, l’écriture font naître et libèrent.

Dieu n’est pas celui qui nous retient, au contraire, il nous lie dans son amour et en même temps nous délie de tout ce qui nous empêche d’aller vers de vraies naissances qui libèrent. N’est-ce pas à travers la naissance d’un texte, d’un livre, qu’on se libère pour espérer, pour vivre. Début de tous commencements qui chaque jour vont dénouer, défaire les nœuds d’impureté qui mettent à distance le prochain.

Aujourd’hui, j’ai tellement de bonheur à cueillir les fruits que l’on me donne que chaque jour est un printemps où germent les graines de l’amour de l’homme qui se nommait Jésus. Quel chemin parcouru, quel plaisir d’ouvrir mon cœur à deux battants, comme j’ouvre mes volets sur un jour nouveau tous les matins. Sentir un souffle créateur, entendre aussi l’appel des cœurs brisés, manquant de tendresse et de soleil pour les réchauffer. Je prie pour ceux là, pour qu’ils puissent aller à la rencontre de Jésus, qu’ils rentrent en communion avec Lui, en passant la porte de son Eglise.

Aujourd’hui je suis rentré en liberté, quand on connaît cette chance, on ne peut plus s’arrêter. Je ne peux que remercier toutes celles et ceux que je rencontre, qui m’ont fait renaître, qui m’ont fait casser les cloisons pour vivre en vérité dans la miséricorde de Dieu, voir l’autre plus beau quand il est vu du cœur, un cœur aimant.

J’ai compris que Dieu n’est plus derrière moi, dans mes souvenirs, mais qu’il est devant, il me précède, me montrant le chemin. Il est le nom de mon avenir, il m’a appris comment prendre le temps d’aimer. La foi n’est pas un ustensile, une chose qu’on déplace, la foi c’est quelqu’un qui nous aime, alors je prends le temps de rentrer en contact avec cette foi qui me donne un regard neuf, qui m’incite à revêtir les gens de beauté.

C’est cela renaître, quitter ses certitudes pour avancer au large vers l’invitation de Jésus : l’amour.