Père Joseph Wresinski. Le Christ est homme de miséricorde

 

 

 

Le père Joseph Wresinski animait très régulièrement ce qu’il appelait des « haltes spirituelles » pendant l’été et parfois pendant le carême. Elles se déroulaient au Sappel, un domaine que le père Joseph avait acquis pour en faire un centre d’accueil pour des petits enfants du Quart Monde. A partir de 1980, il en fit un centre spirituel. Actuellement il appartient à la communauté du Sappel.

Le texte ci-dessous provient d’une halte spirituelle en août 1980.

 

 

 

Nous avons la chance de pouvoir écouter Jésus Christ à travers les pauvres, dans un temps de recueillement. Au fond, c’est comme une sorte d’expérience qui pourrait nous permettre d’entendre les pauvres nous parler de Jésus Christ tous les jours. Dans nos vies, quand nous sommes au milieu d’eux, souvent nous sommes pris par les besoins, nous sommes sollicités d’intervenir, d’agir, de faire… et de ce fait, souvent, leurs paroles ne viennent pas jusqu’à nos coeurs. Nous entendons leurs besoins et nous ne découvrons pas leurs espérances. Nous ne faisons pas nôtres leurs aspirations. C’est un temps d’expérience… C’est pour cela qu’il faudrait que nous puissions rencontrer ensemble Jésus-Christ, je dirais, à l’état pur pendant ces journées…

Et aujourd’hui, nous pourrions le rencontrer en cet appel que les pauvres lui adressent… et nous adressent, pour que nous priions pour eux. Car les pauvres nous demandent de prier pour eux. Ils nous demandent de prier pour eux pour que non seulement ils aient le pain quotidien, mais pour qu’ils aient aussi le pardon quotidien. Ils ont besoin d’être pardonnés ! Au temps de Jésus Christ c’était la même chose. Qu’est-ce qui faisait courir les malades, les sourds, les muets, les mendiants après Jésus ? Qu’est-ce qu’ils attendaient en réponse à leur cri ? Qu’attendaient-ils en réponse à leur cri : « Sauve-nous, guéris-nous, Jésus de Nazareth ! » Sans aucun doute, ils espéraient être guéris, ils rêvaient d’un royaume où les hommes n’auraient plus jamais faim, où la justice serait établie une fois pour toutes, où l’égalité serait la règle des rapports entre les hommes.

Sans doute, c’était ce à quoi ils tendaient, c’était ce qu’ils espéraient… et lorsqu’ils demandaient au Seigneur de les guérir, c’était cela qu’ils demandaient au Seigneur, bien entendu…

Oui, mais nous sommes unanimes entre tous les prêtres du Mouvement, pour reconnaître que les très pauvres nous demandent le pardon… le pardon de leurs péchés, le pardon de Dieu. Entre nous, nous qui sommes frères en sacerdoce, qui sommes au milieu de la misère, tous nous avons toujours vu, à un moment ou l’autre de notre vie, devant nous des gens qui s’agenouillaient en nous demandant de leur obtenir le pardon de Dieu. Parfois d’ailleurs après des heures de silence dans nos bureaux… ou dans certains lieux. Des heures de silence où l’on n’avait rien à se dire et où ils attendaient simplement de pouvoir se mettre à genoux et demander que le pardon de Dieu descende sur eux…

En somme, dans ce monde désacralisé, laïcisé à l’extrême, les très pauvres ont gardé l’aspiration à la pureté, à la purification. Ils attendent que nous intervenions auprès de Dieu, pour qu’ils obtiennent le pardon, le pardon de Dieu. Ainsi, nous nous retrouvons dans le monde de la misère, en plein Evangile. Ce qui faisait courir Jésus, c’était son immense tendresse ! Ce qui faisait courir les pauvres vers Jésus, c’était la certitude que cette tendresse laverait leurs péchés.