Un texte du livre Les pauvres sont l’Eglise

 

Le texte ci-dessous est un des textes fondamentaux qui permet de comprendre la vision spirituelle et politique du père Joseph Wresinski, dans la mesure où l’une et l’autre ne sont pas séparables, la seconde s’engendrant de la première.

Ce texte a été commenté au cours de la séance du 12 février 2016 du cycle autour du père Joseph, pour le groupe de Paris. (Voir l’enregistrement de cette séance ici. Le commentaire commence dans le troisième tiers de l’intervention, à la minute 35.)

Au séminaire, mais aussi un peu partout dans l’Église, des prêtres parlaient de s’enfouir dans la masse. L’idéal était de faire partie intégrante de l’humanité souffrante, au risque de se perdre. Cela m’a beaucoup inspiré, nous vivions dans l’espérance de nous incarner. Ce fut pour moi un des temps les plus forts de ma vie dans l’Église. […]

Mon sacerdoce a commencé dans une ambiance extraordinaire. Nous voulions être présents au peuple des souffrants. Quand j’ai demandé à mon Évêque d’entrer à la Mission de France, ce n’était pas pour y mener une activité militante, mais pour être communiant à une population pauvre. Notre désir, à la plupart, était de nous enfouir en elle, pour retrouver la réalité même de l’Église. […]

Nous voulions aller à la recherche de la brebis égarée, au risque de perdre les autres. Nous voulions descendre toujours plus bas dans l’humanité souffrante, sachant qu’ainsi nous retrouverions l’Église dans toute sa vérité et sa splendeur. Nous voulions vivre notre sacerdoce au cœur même de l’Église des pauvres. […]

Plonger au plus bas pour aimer l’Église, non pas à travers, mais dans les plus pauvres, c’est certainement la vocation de ces prêtres-là. De là, leur angoisse d’atteindre les o.s., les migrants, les victimes des pires exploitations. Non pas pour s’y arrêter, mais toujours chemin faisant, sans cesse en marche.

Il est du rôle de l’Église de faire prendre conscience de l’injustice, mais il est de son rôle de le faire dans l’inquiétude incessante d’aller vers de plus pauvres encore, vers ceux qui demeurent intouchés, comme inaccessibles, en raison de leur trop grande misère. L’Église sait qu’il existe toujours des plus pauvres dans lesquels s’incarne Jésus Christ, qu’elle ne peut avoir de repos avant de les avoir rejoints, étant condamnée à aller toujours plus loin, plus bas.

Les pauvres sont l’Église (1983), p. 60-62.