Bernard Ginisty (7)

 

 

 

Bernard Ginisty donne chaque semaine une chronique sur RCF (Radio Chrétienne Francophone). Voici celle du 4 mai 2016.

 

 

 

La foi chrétienne invite à rejoindre la communauté des chercheurs de sens.

 

 

 

Dans un récent ouvrage collectif intitulé Dieu est Dieu. Quête de l’humanité commune (1) Claude Dagens, évêque d’Angoulême, membre de l’Académie Française, Emmanuel Falque, doyen de la faculté de philosophie de l’Institut Catholique de Paris et Guy Coq spécialiste de la philosophie de l’éducation échangent à partir de cette affirmation placée au début de l’ouvrage : « Il est possible de faire l’expérience de Dieu dans nos sociétés sécularisées qui se passent de Lui. Telle est la conviction primordiale qui inspire ce livre » (2).

Pour nos trois auteurs, il s’agit de replacer les chemins de la foi chrétienne dans l’ensemble de l’aventure humaine. Selon Claude Dagens : « Nous ne faisons pas l’expérience de Dieu d’une manière séparée. Nous sommes liés au grand corps de notre humanité et c’est ce corps tout entier qui est appelé à entrer dans le mystère de Dieu, non pas par une mécanique surnaturelle, mais à travers cette métamorphose permanente dont l’Esprit du Christ est la source(…) Nous ne sommes pas des utopistes, et nous refusons tout usage idéologique de la foi catholique » (3) Pour lui, « Dieu nous appelle à être des chrétiens qui se tiennent résolument sur le terrain de notre humanité commune, là où nous sommes tous créés pour la vie et éprouvés par la mort. C’est cette volonté d’être plantés sur ce terrain commun, au lieu de rester à côté comme des observateurs ou comme des juges, qui constitue aujourd’hui une véritable conversion pour l’Eglise entière (4).

Pour le croyant, cela signifie rejoindre la communauté des chercheurs de sens ainsi que l’écrit Guy Coq : « Le témoin de l’Evangile ne saurait prétendre détenir le système déductif qui lui permettrait de démontrer à partir de l’Evangile quelle est la société parfaite, la civilisation la meilleure. Il lui reste à être convaincant lorsqu’il dit vouloir chercher avec d’autres. C’est une recherche qui ne met pas à part les croyants, qui se fait dans la communauté des chercheurs de sens. Le croyant doit devenir crédible comme chercheur et alors deviendra peut-être crédible comme croyant » (5).

On comprend alors le propos d’Emmanuel Falque invitant le chrétien à ne pas s’affranchir de ce qu’il appelle « l’en commun de la finitude » : « Trouver et dégager un « cadre au salut » impose alors la quête d’une communauté, davantage que le refuge dans une identité. (…) Une proposition de salut, en mode chrétien à tout le moins, cherchera l’en commun avant d’en dégager le spécifique, traquera l’humain avant de fuir dans le divin » (6).

C’est le cheminement des pèlerins d’Emmaüs que Claude Dagens propose comme la référence pour l’itinéraire du croyant : « Vivants, nous sommes des pèlerins, des marcheurs, chacun à notre rythme, et l’Eglise est faite de cette caravane où l’on s’avance d’une manière solidaire. Nous ne sommes pas arrivés. Nous acceptons d’être en chemin, avec des chutes, des dérapages, des moments d’épuisement, mais nous restons sur la route, prêts à connaître des surprises, à faire des rencontres inattendues. Le Christ vient sur nos routes. Nous ne le voyons pas, mais il est là » (7).

(1) Claude Dagens, Guy Coq, Emmanuel Falque, Dieu est Dieu. Quête de l’humanité commune, Le Cerf, 2015.

(2)  Id., page 7

(3)  Id., pages 26-27.

(4)  Id., page 116.

(5)  Id., page 111.

(6)  Id., page 163.

(7)  Id., page 123-124.