Vincent de Paul (3)

 

 

 

 

 

 

Conférence du 14 juin 1643.

Vous devez souvent penser que votre principale affaire et ce que Dieu vous demande particulièrement est d’avoir un grand soin de servir les pauvres, qui sont nos seigneurs. Oh ! Oui, mes sœurs, ce sont nos maîtres. C’est pourquoi vous les devez traiter avec douceur et cordialité, pensant que c’est pour cela que Dieu vous a mises et associées ensemble, c’est pour cela que Dieu a fait votre Compagnie. 

11 novembre 1657, Coste, X, p. 332. Les références sont données selon l’édition de Pierre Coste, aux éditions Gabalda (Paris).

Ainsi vous êtes destinées pour représenter la bonté de Dieu à l’endroit de ces pauvres malades. Or, comme cette bonté se comporte avec les affligés d’une manière douce et charitable, il faut aussi traiter les pauvres malades comme cette même bonté vous enseigne, c’est-à-dire avec douceur, compassion et amour ; car ce sont vos maîtres et les miens aussi. Il y a une certaine Compagnie, je ne me souviens pas du nom, qui appelle les pauvres nos seigneurs et nos maîtres, et ils ont raison. Oh ! que ce sont de grands seigneurs au ciel ! Ce sera à eux d’en ouvrir la porte, comme il est dit dans l’Évangile.

Voilà donc ce qui vous oblige à les servir avec respect, comme vos maîtres, et avec dévotion, parce qu’ils vous représentent la personne de Notre-Seigneur, qui a dit : «Ce que vous faites au plus petit des miens, je le tiendrai fait à moi-même.»

Conférence du 17 Novembre 1658. Coste, X, p. 595.

Or, il y a certaines occasions dans lesquelles on ne peut garder l’ordre de l’emploi de la journée ; par exemple, on viendra à votre porte au temps de votre oraison, pour qu’une fille aille voir un pauvre malade qui est pressé, que fera-t-elle ? Elle fera bien de s’en aller et quitter son oraison, ou plutôt en la continuant, parce que Dieu lui commande cela. Car, voyez-vous, la charité est pardessus toutes les règles, et il faut que toutes se rapportent à celle-là. c’est une grande dame. Il faut faire ce qu’elle commande. C’est donc en ce cas, laisser Dieu pour Dieu. Dieu vous appelle à faire l’oraison et à même temps il vous appelle à ce pauvre malade. Cela s’appelle quitter Dieu pour Dieu.

Conférence du 25 Novembre 1658. Coste X, p. 106.

Les pauvres sont nos maîtres ; ce sont nos rois, il leur faut obéir, et ce n’est pas une exagération de les appeler ainsi, parce que Notre-Seigneur est dans les pauvres.

Conférence du 25 Novembre 1659. Coste, X, p. 115.

Quoiqu’elles ne doivent pas être trop faciles ni trop condescendantes quand ils refusent les remèdes, ou se rendent trop insolents, néanmoins elles se garderont bien de les rudoyer ou mépriser ; au contraire, elles les traiteront avec respect et humilité, se ressouvenant que la rudesse et le mépris qu’on en fait, aussi bien que le service et l’honneur qu’on leur rend, s’adressent à Notre-Seigneur.» Cela, mes sœurs, parle de soi-même, c’est-à-dire que vous devez traiter les pauvres avec grande douceur et respect : avec douceur, pensant qu’ils vous doivent ouvrir le ciel ; car les pauvres ont cet avantage d’ouvrir le ciel ; et c’est ce que Notre-Seigneur dit : « Faites-vous des amis de vos richesses, afin qu’ils vous reçoivent ès tabernacles éternels. » Il faut donc les traiter avec douceur et respect, vous souvenant que c’est à Notre-Seigneur que vous rendez ce service, puisqu’il le tient fait à lui-même : «Avec lui je suis dans la tribulation», parlant des pauvres. S’il est malade, je le suis aussi ; s’il est en prison, j’y suis ; s’il a des fers aux pieds, je les ai avec lui. Et une autre raison, c’est que vous devez regarder les pauvres comme vos maîtres

Extrait d’un entretien avec des missionnaires. Coste XI, p. 19.

Sur l’esprit de foi.

Je ne dois pas considérer un pauvre paysan ou une pauvre femme selon leur extérieur, ni selon ce qui parait de la portée de leur esprit ; d’autant que bien souvent ils n’ont pas presque la figure, ni l’esprit de personnes raisonnables, tant ils sont grossiers et terrestres. Mais tournez la médaille, et vous verrez par les lumières de la foi que le Fils de Dieu, qui a voulu être pauvre, nous est représenté par ces pauvres ; qu’il n’avait presque pas la figure d’un homme en sa passion, et qu’il passait pour fou dans l’esprit des Gentils, et pour pierre de scandale dans celui des Juifs ; et avec tout cela, il se qualifie l’évangéliste des pauvres : « Il m’a envoyé portr la Bonne Nouvelle aux pauvres ». O Dieu ! qu’il fait beau voir les pauvres, si nous les considérons en Dieu et dans l’estime que Jésus-Christ en a faite ! Mais, si nous les regardons selon les sentiments de la chair et de l’esprit mondain, ils paraîtront méprisables.