Frédéric Boyer

 

 

Des textes de Frédéric Boyer, dans Le Dieu qui était mort si jeune, Paris, P.O.L., 1995.


« Faire le bien, être saint, ce n’est plus, avec et selon Jésus, se tenir à l’écart ou être différent des autres et du monde, c’est chercher le bien là où il demeure caché et abandonné. Jusqu’au plus insoupçonnable endroit, à rebours des chemins, dans les fossés, parmi les foules maladroites ou écorchées, à la suite des réprouvés, des malades, des criminels aussi. » (p. 12)

« L’amour de Dieu sans l’amour du prochain, c’est un amour mort. Mais la chair d’un inconnu, celle du premier croisé, celle du dernier venu, cette chair-là est l’enjeu de ma présence à Dieu. Dieu n’est pas ailleurs, n’est pas autrement que dans la chair de l’autre. » (p. 15-16)

« Le chemin vers Dieu est très long, très lent, puisqu’il doit passer par tous ceux qui sont laissés en route, abandonnés dans le fossé presque morts, sans nom, sans habits. Très long, très fatigant puisqu’il doit passer par tous ceux qui sont malades, qui sont exclus, qui sont inquiets. Mais, a rappelé Jésus, il n’y en a pas de plus court.
(…)
Le plus court chemin de l’homme vers Dieu, c’est la chair en sa faiblesse, c’est l’homme en perdition. » (p. 25-26)

« Pourquoi j’aime Jésus sinon pour ce paradoxe : un Dieu pour tous qui n’est venu d’abord, qui n’est là parmi nous en priorité que pour les brebis perdues et écorchées. Comme si, pour que Dieu soit le Dieu de tous, il fallait qu’il soit d’abord au service de quelques-uns. au service de tous ceux qu’on ne sert plus, qu’on ne sert jamais. Au service d’abord des quelques-uns qui servent tous les autres, qui servent à tous, à tout et à rien. » (p. 57-58)

« ’Qu’as-tu fait de ton frère ?’ demandait Dieu à Caïn. Jamais Dieu ne demande à l’homme ce qu’il a fait de Dieu. Quand il veut savoir ce que l’homme a fait de Dieu, Dieu demande à l’homme ce qu’il a fait de son frère. » (p. 66)