Maurice Bellet (2)

 

Un texte de Maurice Bellet,
 dans La seconde humanité. De l’impasse majeure de ce que nous appelons l’économie, Paris, Desclée de Brouwer, 1993, p. 152.

Naissance aujourd’hui de la seconde humanité

Que sera, en nous, la naissance aujourd’hui de la seconde humanité ?

Paradoxalement – mais ce paradoxe ne surprendra peut-être pas -, il faut que ce soit d’une simplicité et en un sens d’une pauvreté absolues. Et telles et vraiment si fortes que le langage y pâtisse passion : les mots sont déjà trop encombrés, encombrants. Et pourtant, que serions-nous sans parole ? Mais peut-être que la seule parole juste, ici, est l’homme naissant, le corps transfiguré, l’âme offerte à la vie, l’esprit délié de la ténèbre. C’est cet homme traversant l’écrasement même, pas en dehors, installé ailleurs, mais portant vraiment le poids du monde, proche de l’exploité, l’exclu, l’anéanti, c’est l’écrasé lui-même passant outre, trouvant l’autre force qui n’est pas prise d’avance dans la violence et son goût de la mort.

C’est en haut et en bas, dans les figures extrêmes et impossibles de l’homme passant l’homme et dans le plus humble de la plus humble humanité, homo homini homo, les gestes simples, infiniment répétés de la tendresse humaine ; la bienveillance déjà immanente à toute parole, puisqu’elle parle, et tient l’autre pour proche et semblable.