Une spiritualité à partir du plus pauvre (19)

Que le Christ assume l’espérance des plus pauvres, les chrétiens le proclament volon-tiers ? Mais qu’il l’ait fait en devenant sembla-ble à eux, paraît plus difficile à admettre. Même dans l’Eglise, l’idée fait scandale. « Jésus, un misérable, est-ce vraiment sûr ? » […]

Je ne prétends pas répondre [à cette question]. Je n’ai pas à prouver que Jésus naquit, vécut et mourut en homme de la misère. Je le crois, mes yeux le voient, mes oreilles l’entendent dans l’Evangile.

[…]

Jésus Fils de Dieu et homme de misère ne m’est jamais apparu accessible à notre enten-dement. Sa divinité incarnée dans sa condition d’homme, n’est-elle pas le plus profond des mystères, sujet de contemplation plutôt que de raisonnement ?

Heureux vous les pauvres, p. 152-153

Le Père Joseph Wresinski a découvert une grande proximité entre sa propre expérience, celle des plus pauvres, et les Evangiles.

Pour lui, l’expérience vécue de la grande pauvreté est le lieu de la rencontre avec le Christ, et deviendra le lieu de sa lecture de l’Evangile.

Toute lecture chrétienne de l’Evangile se déploie à partir du Christ. C’est le Christ qui fait disparaître le voile qui recouvre les mots des Ecritures. C’est à partir de Lui qu’on comprend.   [Voir le deuxième Lettre de Paul aux Corithiens 3, 14-16]

Pour le Père Joseph, sa manière de lire aura un accent singulier : il lit les Evangiles à partir de la contemplation du Christ, Fils de Dieu fait homme de la misère.

Contempler Jésus dans l’Evangile, à partir de la souffrance et de l’humiliation des plus pauvres du monde, est une invitation pour le croyant à un voyage spirituel de grande ampleur :

–  Laisser se transformer sa conception de Dieu…

  Se laisser enseigner, pas seulement par les clercs et les savants, mais par ceux à qui Jésus s’est pleinement identifié. [Evangile de Matthieu 11, 25-26 ; 25, 31-46].

  Laisser l’Esprit Saint nous conduire « à l’intérieur de la vérité tout entière », et reconnaître que cette vérité qu’est Jésus n’est pas une doctine ni une règle de conduite…, mais le Verbe fait faiblesse ; le Fils qui ne voulut pas utiliser comme un pouvoir le rang qui pourtant l’égalait à Dieu ; le Christ qui s’humilia jusqu’à subir la honte de la mort sur la croix des esclaves.