Claude Geffré (1)

 

 

Un texte de Claude Geffré, dans Le christianisme au risque de l’interprétation, Paris, Le Cerf (Collection « Cogitatio Fidei », 120), 1983 (éd. de 1997), p. 312-313.

Toute la mission de l’Eglise a pour but de « hâter l’avènement du Royaume de Dieu ». Or, un des signes de cet avènement, c’est que la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. Jésus a annoncé l’Evangile du Royaume aux pauvres et il a appelé les captifs à la liberté du Dieu qui vient.

Luc résume sa mission par les paroles tirées de Is 61, 1-2 : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, rendre la liberté aux opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur. »

Et en utilisant Is 35, 5 s et Is 61, 1 s, Matthieu met dans la bouche de Jésus cette réponse aux envoyés du Baptiste : « Les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont guéris et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ; et heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute » (Mt 11, 5 s).

Déjà dans l’Ancien Testament, le droit de Dieu est au service du droit de l’homme. Mépriser les pauvres, les opprimés, les affligés, les veuves et les orphelins, c’est porter atteinte au droit de Dieu. Dieu n’est pas seulement la source de tout droit, il est celui qui prend le parti des plus démunis contre les puissants.

La prédication du Royaume de Dieu par Jésus ne fera que conduire jusqu’à ses ultimes conséquences cette promesse messianique de libération, libération définitive dans un au-delà de la mort où Dieu fera justice à tous, mais libération dès cette terre dans le sens de l’égalité et de la fraternité entre tous les hommes. Jésus est donc le libérateur messianique qui prend la défense, au nom des droits de Dieu, de tous les faibles, les opprimés et les pauvres.

D’ailleurs, il ressort des récits évangéliques que l’engagement décidé de Jésus en faveur des petits, des marginaux, des hors-la-loi, des publicains et des pécheurs provoqua le scandale des justes. C’est même cette attitude subversive qui fut l’occasion immédiate de son procès et de sa mort sur la croix.