Etienne Grieu / Michel Dujarier

 

 

A propos du livre de Michel Dujarier, Église-Fraternité. L’ecclésiologie du Christ-frère aux huit premiers siècles. Vol. I., L’Église s’appelle « fraternité » (Ier-IIIe siècle).

Il nous a semblé utile pour le visiteur de ce site de publier la recension d’Etienne Grieu au sujet du livre que vient de faire paraître Michel Dujarier sur l’Eglise-Fraternité (498 pages, aux éditions du Cerf).
Cette recension a été publiée dans la revue Projet (novembre 2013).

La Revue Projet porte en particulier le souci du sort des plus fragiles et de l’avenir de la planète, de la vitalité démocratique comme des équilibres économiques et sociaux, en France, en Europe et dans le monde.
On peut facilement consulter Projet en allant à l’adresse suivante :
http://www.revue-projet.com/
On y trouvera, sur la droite du site, un lien (« Newsletter mensuelle ») pour se faire adresser une lettre d’information de la revue.

 


 

 

La thèse soutenue par Michel Dujarier, qui passe par une recherche minutieuse et extrêmement précise à travers la littérature des premiers siècles de notre ère, est claire et simple : le mot fraternité (adelphotès) apparaît pour la première fois dans le Nouveau Testament (dans la Première Epître de Pierre 2, 17 et 5, 9).

Jusqu’au 2e siècle, il n’a jamais été employé par le grec non chrétien. Lorsqu’il fait irruption (on pourrait parler d’un « événement fraternité »), il nomme une réalité jusque-là jamais désignée comme telle : une communauté de frères, autrement dit, des personnes qui se reconnaissent unies par des liens extrêmement forts, semblables aux liens du sang, mais dont l’union fait l’objet d’une décision.

Il ne s’agit pas d’une situation de fait, mais d’une réalité construite et donc potentiellement ouverte à tous. Cette décision consiste à se reconnaître adoptés comme frères par le Christ qui, dans le même geste, introduit les croyants dans la communion en Dieu.

Le chemin qui rend frère ne part pas de la foi en un Dieu créateur, mais de la proximité au Christ qui nous redonne les uns aux autres comme frères et sœurs.

L’élément le plus fort de la thèse de l’auteur, c’est l’affirmation que « fraternité » est tout simplement, dans les premiers siècles, le nom propre de l’Église (le mot ekklesia ne l’était pas : c’est un nom commun couramment employé par les assemblées civiles). Cela signifie que la foi chrétienne est indissociable d’une révolution profonde dans les rapports humains, qui fait voir l’autre comme le plus proche qu’on puisse imaginer.

Le concile Vatican II a permis de redécouvrir ce trait essentiel, mais ce sont les Églises d’Afrique qui l’ont mis en avant lorsqu’elles ont promu la notion d’« Église famille ». La recherche de Michel Dujarier est d’ailleurs un fruit direct de cette orientation : il est au service des Églises d’Afrique depuis plus de cinquante ans.