Karim de Broucker

Nous faisons du Christ un Harijan

 

En Inde, les Intouchables  peuvent être appelés Harijan (« enfant de Dieu », forme utilisée par Gandhi), mais préfèrent le terme de dalit qui signifie « opprimé ». À l’encontre de l’idée commune, il faut savoir que ce groupe, qui représente un cinquième de la population indienne, est en réalité exclu du système des quatre castes lui-même. Il s’agit d’une « non-caste » de personnes considérées comme impures.

L’hémorroïsse irrémédiablement souillée de sang, l’impure par excellence aux yeux des scribes, des légistes, des chefs des prêtres et des anciens, cette femme, avec la liberté que lui donne sa pauvreté, vient s’emparer – violente du Royaume – d’un pan du manteau du Christ.

Loin de la rejeter, Jésus s’arrête, l’appelle ma fille, bénit sa foi, et prend soin d’elle.

Le Christ se laissait toucher par les pécheurs, manger par les pécheurs, jusque par celui qui aussitôt après allait le vendre. Il se laissait inviter à leur table, il s’est laissé couvrir de baisers par la femme de Béthanie et l’a laissée lui baigner les pieds de ses cheveux, de ses larmes et de ses parfums.

Le Christ s’est fait le pain des pauvres, des déviants, des hérétiques, des criminels, des lépreux, des impurs.

Mais nous, qu’avons-nous fait de lui ?

Nous en avons fait un mets délicat délivré comme récompense aux purs. Un mets de choix réservé aux irréprochables. Nous en avons fait un intouchable. Nous faisons du Dieu de chair un intouchable ! Nous l’enfermons dans nos petits placards dorés et nous fermons à clef : nous fermons à clef le Royaume de Dieu pour les hommes et nous-mêmes n’y entrons pas.

Et le Christ nous dit : « C’est mon corps : prenez, et mangez-en tous. »