Maurice Bellet (1)

Un texte de Maurice Bellet, dans Thérèse et l’illusion, Paris, Desclée de Brouwer, 1998, p. 109-110.

 

Au sujet de Thérèse de l’Enfant Jésus

 

 

Ceux et celles qui errent dans les terres froides, dans la nuit, dans les bas-fonds, ceux et celles qui sont sans voix et sans visage, ceux et celles qui sont sans chemin ni demeure ont chemin et demeure auprès de celle-ci, Thérèse, qui marche avec eux, trompée, meurtrie, défaite – et pourtant tout en haut, dans l’échelle invisible que le monde ne connaît pas.

Car il n’y a pas de jugement. Les derniers seront les premiers ; Et l’inverse. Nous ne savons pas. Il y a tel ou telle qui sont méprisés pour leur faiblesse et qui, pour seulement vivre, déploient un courage surhumain. Il y a tel ou telle qui sont dans l’humiliation de l’impuissance devant leurs propres envies et que leur désir désespéré d’en sortir justifie par-delà toute justice. Je crois pouvoir dire que Thérèse, en sa sainteté reconnue et vénérée, est parmi eux – à sa façon. C’est de l’avoir senti, je crois, que beaucoup de gens pauvres et dédaignés – ou maudits – ont trouvé en elle leur proche.

L’amour est la vérité. Le lieu de l’extrême amour est du côté de la grande épreuve et l’amour vrai commence par-delà l’amour impossible : échange et don réciproque entre ceux qui ont assez perdu pour que ce don d’amour soit pour eux comme l’aurore du monde. C’est d’une extrême beauté.

Et cet amour-là peut surgir en toute vie, même au soir de la vie, même dans le lieu de misère. Il donne à tout ce qu’il touche cette autre vérité, qui ne nie rien, ne conteste pas, n’élève pas la voix, mais sait que le Dieu de Thérèse cherche, en tout être humain, à tout transformer en lumière.