Une spiritualité à partir du plus pauvre (17)

« Il faut savoir tirer notre réflexion aussi bien que notre pratique de l’expérience de la population la plus pauvre.

Non pas d’une idée que nous nous faisons de son existence, mais de son vécu quotidien réel. »

(Les pauvres sont l’Eglise, p. 218.

Et le père Joseph Wresinski continue :

« Qui vit vraiment de jour et de nuit au sein des zones de misère ?
Et, si des hommes vivent là, sont-ils en état d’écoute permanente comme ils le seraient dans une université ?

Puis, dans quelle mesure de tels témoins authentiques informent-ils notre théologie ? »

Ne lisons pas trop vite, et prêtons attention à ce qui est écrit : Il s’agit de « tirer notre réflexion » de l’expérience de vie des plus pauvres.

N’en pas rester à « l’idée que nous nous faisons » de ce que vivent ou pensent les plus pauvres, mais fonder notre propre réflexion sur ce qu’ils vivent chaque jour.

Y compris notre réflexion théologique, c’est-à-dire notre réflexion sur l’identité de Dieu et son envoyé Jésus Christ.

Rappelons-nous :

« Les malentendus surgissent et les bonnes volontés s’usent vite, quand il s’agit de faire cause commune avec une population très pauvre dont nous ignorons l’expérience de vie.
Les instruits se laissent emporter par leurs propres idées, ils finissent toujours par penser à la place des autres. »   
[Les pauvres sont l’Eglise, p. 103-104]

Voilà une autre manière de dire que, dans tous les domaines de l’expérience humaine, il faut penser et agir à partir des plus pauvres, à partir de ceux qu’habituellement on n’écoute pas.

« Notre pensée et notre pratique doivent être celles où Dieu se retrouve, qu’il ne puisse pas renier.

Cela nous oblige à tirer notre connaissance des populations les plus rejetées et cela nous est très difficile. »   [Les pauvres sont l’Eglise, p. 218]

« Jésus Christ s’est identifié aux plus pauvres de son temps, il s’identifie encore et toujours aux plus pauvres en tous les temps. C’est donc leur vie qui est aussi la sienne, qui est source de notre spiritualité. Nous est-il possible d’élaborer une théologie de l’homme, sans partir de l’homme le plus usé par la misère ? Quelle peut être la liturgie élaborée sans la prière et le cri des pauvres ? »

[Les pauvres sont l’Eglise, p. 41-42]

Si quelqu’un d’autre devient le pôle ou le centre, c’est toute l’expérience de la fraternité humaine qui s’en trouve modifiée.

Il s’agit là de « la présence devenue féconde du plus pauvre ».   [René Macaire, La mutance, 1989, p. 108]