Une spiritualité à partir du plus pauvre (11)

 

« Tout est né d’une vie partagée,

jamais d’une théorie. »

[Les pauvres sont l’Eglise, p. 152]

 

Cette phrase a été écrite par le père Joseph Wresinski en 1983, dans son livre Les pauvres sont l’Eglise. Dans un texte plus ancien (1966), il précisait ce qu’il entendait par vie partagée :

« La communion est la vie partagée. »   [Ecrits et Paroles, I, p. 473]

 

Et lorsque le journaliste qui l’interroge pour son livre Les pauvres sont l’Eglise lui demande : « Comment avez-vous découvert ce que d’autres ne voient pas ? », il répond : « Par la vie commune. »   [Les pauvres sont l’Eglise, p. 77]

 

La théorie en elle-même n’est pas un mal.

Le problème de la théorie, c’est qu’elle sait souvent avant d’avoir rencontré.

 

« Les malentendus surgissent et les bonnes volontés s’usent vite, quand il s’agit de faire cause commune avec une population très pauvre dont nous ignorons l’expérience de vie.
Les instruits se laissent emporter par leurs propres idées, ils finissent toujours par penser à la place des autres. »

[Les pauvres sont l’Eglise, p. 103-104]

 

Et puisque les instruits savent déjà, ils en viennent à élaborer et mettre en œuvre leurs propres projets. Ils arrivent même à croire que ces projets sont souhaités par les personnes auxquelles ils sont destinés, – alors que celles-ci n’ont jamais eu la parole…

Le Père Joseph n’est pas différent de nous… Et quand il arrive à Noisy-le-Grand, il a bien sûr des projets dans la tête, des idées.

Mais lorsqu’il affirme que « tout est né d’une vie partagée, jamais d’une théorie », il dit que ce n’est pas la théorie qui avait la première place et qui déterminait ce qu’il fallait construire.

C’était la vie partagée et la rencontre qui le guidaient.

C’est-à-dire que la vie partagée ne cessait de modifier ses idées, de les transformer, de les convertir, de les mettre à leur place.

Le père Joseph dit en définitive que, malgré les idées et les projets que nécessairement il avait dans la tête, c’est la rencontre qui l’avait orienté et guidé.

Le texte qui suit souligne bien cela en insistant sur la nécessaire « ascèse » (= exercice, entraînement) pour laisser nos idées belles et généreuses être transformées par les événements et la rencontre.

« Les véritables grandes idées ne sont pas dans la tête mais dans le cœur. Elles sont dans la vie quotidienne, dans la contemplation de chaque jour, dans la privation patiente quotidienne que l’on s’impose pour les bâtir. Elles sont dans le travail et la peine des pauvres, de ceux qui ont fait, de ces idées, des vérités vécues et non pas seulement des vérités proclamées, octroyées, des privilèges d’école ou de groupe. »   [Ecrits et Paroles, I, p. 406]

« Bâtir la société de demain à partir d’une vérité découverte et non pas d’une leçon apprise. »   [Ecrits et Paroles, I, p. 531]