Intervention de Marie-France (2), de Brest

Intervention de Marie-France, militante de Brest, à la rencontre de La Pierre d’Angle des 26 et 27 mars 2011.

 

 

Je voulais aller à l’église, un samedi soir, pour aller à la messe. Je suis allée dans une église de l’endroit où j’habite. Je ne pouvais pas aller dans l’église où je vais d’habitude, en centre ville, parce que je n’avais pas d’argent pour prendre un ticket de bus. Je suis arrivée en retard, parce que je ne voulais pas arriver avec tout le monde, et me mettre dans le fond de l’église. Mais la porte fait du bruit, alors tout le monde s’est retourné. J’étais gênée. Je suis quand même restée. Mais je me suis sentie jugée. Parce que quand j’étais jeune, ma mère m’a mise dehors, et a raconté plein de choses sur moi. J’ai aussi entendu des gens dire : « Mais pourquoi elle vient à l’église, elle ? » Du coup, je ne vais plus à cette église. J’y vais seulement si j’ai pas d’argent pour le bus.

Je n’ai pas de place aujourd’hui dans l’Eglise. J’ai juste ma place quand je suis seule dans l’église, car je viens voir le Seigneur.

Je crois pas que j’ai une place quand il y a les autres.

L’obstacle c’est les gens qui viennent dans l’église : j’ai toujours l’impression qu’ils jugent, que c’est pas ma place d’être là dans l’église.

Il faudrait qu’ils arrêtent de juger les gens pauvres qui entrent dans l’église.

 

L’Eglise elle m’apporte quelque chose quand j’y vais toute seule.

J’y vais pour parler au Seigneur. Même des fois je l’engueule.

Je trouve que l’Eglise appartient plus aux riches qu’aux pauvres.

Quelqu’un de riche m’a dit : « Si on n’était pas là, l’église ne vivrait pas ! » Il donne des dons, il entretient l’église. Mais on pourrait aussi entretenir l’église.

Un jour que j’allais à l’église, un SDF faisait la manche à la sortie de l’église, je lui ai dit qu’il pouvait rentrer avec moi dans l’église. Il était surpris… Je lui ai dit : « Mais si, c’est le Seigneur qui te dit de venir. »

La femme qui rendait service pour arranger l’église nous a dit qu’il fallait pas. Je lui ai répondu. Nous, on est propriétaire, vous, vous êtes locataire.

Et cette dame après, elle m’a dit : « Mais vous n’avez donc honte de rien. »

Maintenant elle ne me parle plus. Elle comprend rien de la vie des gens.

Ce monsieur qui est entré avec moi dans l’église, il est mort il y a un mois, et ils l’ont enterré vite fait.

On a toujours l’impression que c’est toujours les mêmes qui vont lire à l’église, qui font les lectures J’ai déjà demandé et le curé il m’a dit : « On verra » et il m’a jamais demandé. Depuis que j’ai demandé au curé de lire, il me fuit. Des fois ils nous prennent pour des gourdes ! Je me demande si ils nous croient quand on raconte ce qu’on vit ?

L’église n’appartient à personne. J’ai l’impression d’être une étrangère. Mais moi aussi je suis chez moi dans l’église. Je m’y sens bien.

Le Seigneur il doit dire : « Tu exagères, quand même ! » Mais il sait bien que j’exagère pas. Il est d’accord que l’église n’appartient pas qu’aux riches.

Je voudrais que ça change. Je me dis qu’il faudrait que le prêtre me laisse parler pour que je dise un petit message aux gens, leur parler avec mon cœur. Et comme ça, ça irait mieux, parce que ça irait dans la tête de certaines personnes.

Des gens comme moi, il faudrait qu’on puisse aller dire ce qu’on a à dire.

Il faudrait que le prêtre puisse comprendre. Et pour ça il faut que je puisse le voir.

Il faudrait que les paroissiens viennent à nos réunions. Peut-être qu’ils ne se rendent pas compte. Peut-être ces gens là ne savent pas par où on est passé ?

Il faut qu’ils entendent la tristesse et la pauvreté qu’on a dans notre corps, dans notre cœur.

L’Eglise, je voudrais que ce soit une maison ouverte à tout le monde, qu’elle soit familiale. Qu’il y ait pas des gens d’un côté, et des gens de l’autre.

Je voudrais que les gens se disent bonjour, qu’il y ait un café ou un thé après la messe, pour pouvoir se parler. Que tout le monde soit pareil. Quand on est chrétien : c’est être comme tout le monde, avec tout le monde.