Intervention de militantes de Brest

 

 

Rencontre des 2 et 3 février 2008

L’animateur de la session : La question par laquelle nous voulions commencer pour notre réflexion commune était : « Qui est Dieu pour nous ? »

 

 

Marie-France

Pour répondre à cette question, j’ai d’abord pensé à tous les malheurs qui me sont arrivés.

J’ai senti Dieu très, très absent quand j’étais petite, quand ma mère me mettait dehors et qu’il fallait que je me débrouille.
Je pense que Dieu était absent. C’est même sûr.

Et puis quand j’ai perdu mes enfants (dans un accident de voiture), Je me suis dit : il n’est pas là pour moi.
Il ne m’entend plus.
J’ai pensé : Dieu n’a pas pensé à moi.
Il m’a oublié.
Il m’a laissé de côté.

Et maintenant, j’ai pardonné à Dieu.
Je vais tous les jours à l’église, et quand je lui parle, je sais qu’il accepte que je lui aie pardonné. Je le sais parce que je le sens quand je rentre dans une église.

Aujourd’hui je pense que Dieu s’était caché.
Il était peut-être là, mais il se cachait, parce qu’il s’est senti coupable.
« Coupable » : on peut pas dire « coupable », mais quand même, je peux dire qu’il se cache parce qu’il se sent en faute.
Et il revient parce que je lui ai pardonné.

Il m’a suivi tout du long, pendant que mes enfants étaient à la morgue, mais il m’a suivi en restant loin.

Si je suis retournée à l’église c’est parce que quelque chose m’a dit qu’il fallait que je retourne à l’église : « Marie-France, il faut que tu ailles à l’église. »
Ce quelque chose, c’est à l’intérieur de moi.
Alors je vais vous dire quelque chose : Je me dis : C’est mon fils qui m’a dit d’y aller. (Mon fils, il avait 19 ans quand il est décédé). Il voulait devenir prêtre. Il était servant de messe.

Je sais que ce qui me fait tenir, c’est la foi.
Face au malheur, il n’y a que notre foi qui nous tient.
C’est pour ça que le Christ, je suis retourné le voir.

Au fond, je peux dire ça comme ça : Il est loin Dieu, mais il partage notre vie.
Finalement, ça lui fait de la peine qu’on n’aille pas bien, ça lui fait mal de nous voir souffrir.

C’est peut-être pour ça qu’il se cache !

Lydie

Quand on perd quelqu’un, on se demande si Dieu est là.
J’ai perdu 5 frères en l’espace de 4 ans, et d’autres gens de ma famille ; alors des fois je me demande si Dieu est présent, avec moi.

J’ai du mal à rentrer dans une église, car j’ai l’impression qu’il m’abandonne.
Chaque fois que je lui demande quelque chose, j’ai l’impression qu’il ne me répond pas.

Je sais qu’il est présent mais il ne répond pas.
J’ai l’impression que Dieu ne m’entend pas.
Pourtant je prie tous les jours.


L’animateur de la session : Des événements terribles arrivent quelquefois dans nos vies… Et vous nous dites que c’est difficile de voir Dieu présent.
Et en même temps vous dites : je sais, je crois que Dieu est là, présent.
Dieu, le Christ, où est-ce que vous avez pu le rejoindre ?

Lydie

J’ai commencé à croire à l’âge de 6 ans.
J’étais en pension, chez des religieuses.
J’ai appris à connaître Dieu.

Je sens quelque chose, je sens qu’il est présent.
Mais il ne répond pas.
C’est comme s’il était à côté dans une autre pièce
et que la porte était fermée à clé.

Alors j’ai l’impression que Dieu ne m’aime pas, parce qu’il ne répond pas.
Mais j’aime l’Evangile.
Je resterais des journées entières à écouter l’Evangile.

Marie-France

Le Christ, je sais qu’il est à côté de moi.
La question que je me pose : pourquoi il n’était pas là quand ça n’allait pas, quand mon fils il est parti ?

Il y a quelques jours, j’étais à l’hôpital, j’étais très mal : eh bien, là, Dieu, je l’ai senti.
J’ai prié et j’ai dit : « Il est là. »
Et j’allais mieux. Il m’a sauvé.
Il m’a dit : « Eh, il y a du monde autour de toi. Marie-France, ne nous laisse pas ! »
Il m’a relevé.

C’est drôle quand même : pourquoi le Christ nous laisse tout seul, et lui il m’a dit : « Ne nous laisse pas ! »

Après l’hôpital, je suis allée lui dire merci.
Merci d’être encore là, parce que je sais que c’est grâce à lui que je suis ici.

Gisèle

Dieu, il a été proche de moi le jour où mon frère est décédé.

Je vais raconter ce qui s’est passé : le jour où mon frère a été enterré, c’est ce jour-là où j’ai retrouvé mon fils Didier. En 1999. Cela faisait trente ans que je ne l’avais pas vu.
On me l’a pris quand il avait deux ans.
Et je ne l’ai plus jamais revu.
Il est venu à l’enterrement de mon frère, et je l’ai retrouvé.
Quand j’ai retrouvé mon fils, j’ai senti que Dieu était là avec nous, proche de moi.

Et puis, j’ai eu cette maladie. Je prie beaucoup, je regarde la messe en direct à la télévision, je fais tous les gestes.
Je demande à ma voisine pour lire l’Evangile, et je relis plusieurs fois les Chemins de Vie.
Et Dieu a voulu que je reste encore.

Marie-France

Je pense à un texte de St Paul qui dit :
« Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ. »

Marcelle

Je suis toujours proche de Dieu.

Il y a un mois ma maison a brûlé.
Alors je me suis dit : Il m’a peut-être oublié ?
J’ai peut-être pas assez prié ?
Ou alors Il a voulu que j’aille m’occuper de ma fille ; c’était nécessaire.

Mais je me dis que Dieu ne peut pas être méchant. Parce qu’il a toujours été bon.
Comment je peux dire ça ?
On peut dire que Dieu n’est pas méchant parce que les gens qui sont partis, ils ne se plaignent jamais !

La mort, c’est pour ceux qui restent que c’est dur.
Parce qu’autrement la mort, c’est comme un baptême, ça doit être une joie.
Pour mon entrée au Paradis, il faudra faire une fête.

Quand j’étais petite, c’était dur avec ma mère.
Mais j’ai pardonné à ma mère.
Dieu, il a facilité le pardon, parce que c’est dur de pardonner.
Le jour où elle est décédée : j’ai dit au prêtre : « La mort c’est aussi la vie, et je voudrais qu’elle soit enterrée à l’église. »
Ma mère n’était pas une femme d’église, mais elle disait :
« Tu sais, Marcelle, je prie beaucoup, je prie le soir. »
Alors je lui ai dit : « Tu devrais prier avec les autres, parce qu’on sait pas ce que tu fais. »
Parce que c’est important de prier ensemble, pas seulement tout seul.

Ma croyance, elle est venue quand j’étais petite avec ma grand-mère, je suis née dedans.
Ma grand-mère croyait en Dieu, est elle me disait d’aller à la messe.
Elle croyait en Dieu, mais pas aux prêtres.

Je crois que malgré mes malheurs, Dieu sera toujours là.
Parce que Dieu est bon.
Dans la Bible on dit toujours que Dieu est bon, Dieu ne peut pas être méchant.
C’est l’humain qu’est méchant.

Marie-France

Oui, c’est pour ça que je disais que quand tout ça c’est arrivé,
Dieu s’est caché.
Il s’est caché parce qu’il peut pas être méchant.

Marcelle

Je me dis que Dieu pourrait faire que certains malheurs n’existent pas.
Parce que certains malheurs ne sont pas justes :
la mort d’un enfant, par exemple et Dieu n’est pas présent quand c’est comme ça.
il pourrait être là quand il y a trop de malheurs. 
Pourquoi Dieu rappelle un enfant à lui ? Ça, c’est pas juste.
Moi, je lui dis : « Tu fais des miracles. Tu devrais faire qu’un enfant ne meurt pas ! »

Lydie

Quand c’est un bébé qui meurt, j’en veux à Dieu.

Mais je sais qu’il est présent. On a besoin de lui.

Marie-France

En Dieu, il y a de la beauté.

Marcelle

Jésus a dit : « Mon père, pourquoi tu m’as abandonné ? »
Donc, Jésus, il a eu le sentiment que Dieu l’a abandonné.
Nous, on est comme Jésus : on se sent abandonné.
Si Jésus a senti qu’il était abandonné,
nous aussi on peut douter de temps en temps.

C’est comme Jésus qui dit « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »
Nous, on est seulement humain : c’est pour ça qu’on pardonne plus mal que Jésus.

Moi, je ne pourrais pas vivre sans croire.
Ma vie ne serait pas bien si je ne pouvais pas prier.
Je ne pourrais pas vivre comme ça.

Marie-France

Jésus, c’est mon frère.
Dieu, c’est mon père.

Mais c’est un frère qui ne me tend pas la main quand ça va mal.
Mais en même temps, Jésus, il me donne du courage, parce qu’il a souffert.
S’il se cache, c’est parce qu’il a peur du malheur qui m’arrive.


L’animateur de la session : Dernière question : Qu’est-ce que croire pour vous ?

Marie-France

Croire, c’est dire « oui », et dire « non ».
Croire, c’est écarter, c’est faire la part des choses.

La foi, c’est choisir de croire.
Il y a une décision de ma part.
Moi, j’ai choisi le Christ.
Mais la foi, ce sont des questions qui restent sans réponse.
On est libre : Dieu ne nous oblige pas !

Lydie

La foi, c’est croire en quelque chose qui a été vécu.
Croire que tout ce qui a été dit dans l’Evangile est vrai.
Ce que Dieu dit dans la Bible, je crois que c’est vrai.

Après l’équipe de l’Evangile, j’ai l’impression d’avoir une lumière en moi.
Je ressors en paix.
J’ai l’impression de m’envoler.
Et en même temps il est absent.

Gisèle

Moi, je crois que Dieu a fait ma guérison.
Comme je n’ai plus rien, que je n’ai plus ma maladie, il faut croire.
Même s’il ne m’entend pas, je l’appelle.
Quelquefois il fait la sourde oreille.

Marcelle

On choisit de croire en Dieu.
Dans la vie, on a toujours un choix à faire.


L’animateur de la session : Avant d’arrêter, est-ce que vous voulez dire autre chose ?

Lydie

Je sais qu’il y a quelqu’un qui a fait le monde : les fleurs, le vent, l’eau.
La beauté c’est Dieu qui l’a faite.
Il y a du malheur, mais comme il y a de la beauté, Dieu est là.

Marie-France

Je ne veux pas que Dieu parte.
Car il est présent.
Je lui pardonne, parce que je l’aime.
Il est là avec nous, maintenant.
C’est quelqu’un de vivant.

Marcelle

Je ne peux pas croire que Dieu ne nous aime pas.
Il nous aime.