Intervention d’une militante de Chalon-sur-Saône

 

Intervention de Monique, du groupe de Chalon-sur-Saône, à la rencontre de La Pierre d’Angle des 26-27 mars 2011.

 

 

Quand on était petits, nous étions cinq enfants avec notre papa qui travaillait comme ouvrier agricole chez un patron. Nous habitions dans une ferme située à 2,5 km d’un petit village. Mes parents nous envoyaient à la messe tous les dimanches ; on y allait à pied et on faisait cinq km ou dix km aller et retour suivant où était la messe. Mes deux parents avaient beaucoup de respect pour Dieu, quand on parlait mal de Dieu on se faisait disputer. Ma mère croyait en Dieu mais ne pouvait pas aller à l’église car elle avait des difficultés pour marcher. Mon père, pour qui c’était le plus important, travaillait tous les jours même le dimanche et n’avait jamais de vacances. Tous les enfants, on a été jusqu’à treize ans à la messe, et on devait faire tamponner notre carte par Monsieur le curé pour pouvoir faire notre communion et on devait se mettre au premier rang pour que Monsieur le curé nous voit. On devait aussi aller au catéchisme toutes les semaines à pied. Après notre communion tous les cinq enfants, nous avons arrêté car c’était trop loin et qu’il fallait se lever tôt.
Je comprenais peut-être pas tout mais je me suis pas ennuyée à ces messes. C’était plutôt des bons souvenirs pour moi. J’aimais bien les explications du prêtre sur les textes, sinon je ne me souviens pas bien de cette période. Ensuite, j’ai fait baptiser mes enfants et les ai envoyés au catéchisme surtout parce que c’était important pour moi et aussi pour mon père. Mon mari qui n’est pas croyant m’a laissé faire. Les enfants ont tous été baptisés et ils ont fait leur communion.

Ensuite, il y a eu cette une longue période (27 ans) où je n’ai plus eu de contacts avec l’Eglise sauf pour des réunions avec les catéchistes une fois par an et pour des enterrements. Et je n’avais plus de vie de prière.

Ensuite je suis rentrée dans le Mouvement ATD Quart Monde autour de 1989 et plus tard en 1994 le groupe de prière Chrétiens du Quart Monde a commencé à la paroisse Notre Dame de Lumière de Chalon.

Si je suis allée dans ce groupe de prière, c’est que je sentais en moi qu’il manquait quelque chose. Et puis je voulais en savoir plus sur la vie de Dieu, de Jésus, de tout l’ensemble. Mais pour moi cela a été difficile de faire le pas, d’aller à la première rencontre qui durait tout un WE. Je me demandais dans quoi je m’embarquais. Mes parents, ils nous parlaient souvent de Dieu alors ça me manquait. Ce qui m’a aidée, c’est que je connaissais déjà les gens qui me proposaient de participer puisqu’ils étaient d’ATD Quart Monde et j’y allais avec d’autres familles. Je n’ai rien dit à la maison, ni à mon mari ni à mes enfant, je l’ai dit à personne, c’était mon secret à moi et cela le reste toujours. Seuls mes deux derniers enfants qui m’ont parfois accompagnée à des retraites sont au courant, mais ils n’en parlent pas aux autres qui se moqueraient.

Quand j’ai recommencé à prier, au début je trouvais cela bizarre, je me demandais ce que je faisais là, je me disais « je n’ai rien à faire ici », c’était dur… Car je ne me sentais pas à ma place, parce que je me suis dit que c’était pas pour moi tout ça… Je pensais que j’étais rien pour Dieu, que j’étais pas intéressante, pas importante pour lui. Je pensais « il se fiche pas mal de moi. »

Mais je suis restée quand même dans le groupe parce que j’aime le groupe et que j’apprends des choses sur Dieu et j’ai besoin d’en savoir toujours plus. Chaque fois que j’y allais, je me sentais bien dans ma peau et toujours maintenant, je reviens apaisée des prières. Dans le groupe on m’a fait comprendre que j’étais importante pour Jésus. On me l’a répété plusieurs fois. Au début, je voyais pas pourquoi on me disait cela.

Un événement qui m’a beaucoup touchée aussi, c’est que j’ai fait connaissance à une retraite avec un frère dominicain. J’ai pu lui écrire tous les mois pendant plusieurs années et il me répondait toutes les fois. J’avais hâte de recevoir ses lettres, je les attendais. Il commençait toujours sa lettre en écrivant « je pense souvent à toi, je ne t’ai pas oublié ».

Pour moi, c’était important, car je pouvais tout lui raconter, toutes mes misères, absolument tout. Je lui demandais souvent si je ne l’ennuyais pas ; je lui disais « tu en as peut-être marre de moi ? » et il me répondait « tu es aimée de Dieu ». J’étais heureuse de recevoir ses réponses et même avant d’ouvrir ses lettres, j’étais joyeuse je me souriais à moi toute seule. J’attendais d’être seule pour les lire. Cela m’aidait un certain temps à être bien, à être en paix. Après quand ça n’allait plus, j’étais obligée d’envoyer une autre lettre. Il est venu me visiter quelques fois. Nous avons été, à trois personnes du groupe de prière, à sa prise d’habit à Lille, puis quand il devenu prêtre à Lyon. Maintenant on s’écrit de temps en temps, il est très pris et j’ai moins besoin de son soutien. Mon mari qui voyait que je recevais des courriers de ce moine et qui l’a connu à la maison, respectait cette correspondance.

Ensuite il m’est arrivé une grosse catastrophe : le décès de mon papa. Là quand je l’ai appris j’ai demandé à Dieu : Pourquoi lui ? ll avait quatre vingt trois ans mais j’aurais voulu le garder plus longtemps.

Après son décès, je ne croyais plus en Dieu, je ne pensais plus à Lui. J’ai arrêté de prier alors qu’avant je faisais ma prière tous les soirs. Je lui en voulais, mais je suis quand même restée dans le groupe de prière car je me suis dit « sinon c’est foutu ». J’avais perdu la foi, c’était difficile pour moi de rentrer à nouveau dans la chapelle de Notre Dame de Lumière après l’enterrement de mon père. J’adorais mon père… Mais cela me faisait du bien d’aller aux prières des chrétiens du Quart Monde même si je n’avais plus la foi. Sinon cela aurait été une catastrophe : j’aurais été une loque.

Je pense que sans la foi j’étais plus rien. En soi, on est vide. Il me manquait quelque chose. J’allais aux prières mais c’est comme si je n’étais pas là. J’ai décidé de continuer quand même pour retrouver la foi. Je me sentais vraiment mal. J’étais plus rien. Cela a duré plus d’un an. La foi, je l’ai retrouvé plus d’un an après . C’est revenu petit à petit par à coups, des fois ça revenait et ça repartait.

 

En dehors de ce groupe de prière, je ne vais pas à la messe en paroisse. Je préfère prier en petit groupe. Quand je pars en retraite avec le groupe, par exemple au Carmel de Mazille ou à l’Abbaye d’Acey, je suis heureuse de quitter la maison, je laisse derrière moi tous mes ennuis. Je reviens en me sentant plus forte et apaisée. On revient avec plein de choses en soi, j’essaye de les garder, c’est difficile d’appliquer dans la vie ce que l’on a entendu.

Dans certaines situations, c’est difficile de vivre la Parole de Dieu. On ne fait pas de miracles, on n’est pas Dieu, on ne peut pas appliquer l’Evangile à la lettre. Pour moi, le plus difficile, c’est de pardonner. Je n’y arrive pas, si je pardonnais ce serait pas sincère. Mais j’ai envie d’arriver à pardonner.

Je voudrais aussi parler de Lourdes. La première fois, j’y suis allée en 2005 car mon fils qui avait 15 ans avait envie d’y aller et c’est cela qui m’a décidée. Mais ça me travaillait quand même car j’avais peur de la foule. La foule m’étouffe. J’ai pas vu grand chose car j’ai passé beaucoup de temps à l’hôpital, mon fils s’est fait une entorse au genou en jouant au foot. Mais le peu que j’ai vu ça m’a plu. J’ai aimé la grand messe dans l’église souterraine. J’ai aimé les petits groupes de partage à la Cité St Pierre, de rencontrer les gens d’ailleurs. Et puis j’ai bien aimé les chants des gens du voyage. La seconde fois en 2008, quand j’y suis retournée j’ai pu tout voir et surtout aller à la grotte. Je n’avais pas pu y aller la première fois. Ce qui m’a le plus marquée, c’est de toucher le rocher de la grotte de l’apparition. Ca fait du bien quand on passe dans cette grotte…

J’ai aussi été plusieurs fois en pèlerinage à la Salette. J’aime toujours aller à Lourdes, mais je préfère la Salette. A Lourdes on est plus confinés, à la Salette, il y a les grands espaces et on peut être au calme pour prier.

Je crois que ma foi a fait que je suis plus tolérante par rapport à mes enfants, maintenant je réfléchis plus avant de prendre une décision. Avant, je leur demandais pas leur avis, ils avaient pas droit au chapitre…, maintenant je les écoute plus.

 

Quand une situation est bloquée en famille ; quand on ne se parle plus. Dans ce cas là, je demande à Jésus ou à Dieu ce que je dois faire. Pour moi, Dieu ou Jésus, c’est pareil, je ne peux les dissocier : ils sont ensemble. Ca m’aide de prier je me sens mieux après, même si il y a pas toujours une réponse.

Apres toutes ces années je connais un peu mieux Dieu, mais il faut que je continue ; si je m’arrêtais maintenant, je resterais sur ma faim…

Je vais à ATD Quart Monde et aux Chrétiens du Quart Monde, les deux endroits c’est pas pareil, les deux se complètent. En ce moment je vais moins à ATD Quart Monde car je garde mon petit fils et ça me manque. Heureusement, je reçois les comptes rendus.

Pour finir, je dirai seulement que j’aime bien l’évangile de la Samaritaine car Jésus demande à cette femme de lui donner à boire alors qu’elle est exclue. Dieu a besoin des plus exclus.