Une interview de Renée Lefebvre

 

Renée Lefebvre est une militante du Mouvement ATD Quart Monde. Elle fait partie du groupe de La Pierre d’Angle, de Chalon-sur-Saône, depuis de nombreuses années.
Elle a vécu une vie très difficile, notamment le placement en raison de la misère vécue dans sa famille.

L’animatrice de ce groupe, Michèle Petit, a proposé à quelques-uns de ses membres de réfléchir au thème de l’Université d’été des Assomptionnistes (août 2013) : « Les croyants au défi du dialogue ».

Le texte ci-dessous est un extrait de l’interview de Renée, qui s’est déroulée le 27 février 2013.

On pourra en lire l’intégralité en cliquant sur la vignette ci-dessous.

Texte intégral de Renée Lefebvre

 


Qu’est ce qui t’a soutenue durant ces années difficiles ?

Je crois que Dieu me suivait. Franchement, s’il n’y avait pas eu Dieu, je ne pense pas que je m’en serais sortie.

 

A quels moments tu as commencé à dialoguer avec Lui ?

A des moments de ma vie, je disais à Dieu : pourquoi m’as tu abandonnée ? J’avais quinze, seize, dix sept ans et je disais : pourquoi m’as tu abandonnée ? Je voyais des gens plus riches, pas habillés comme moi, qui sortaient des boutiques. Leurs habits me faisaient envie, leurs affaires me faisaient envie et puis j’aurais aimé retrouver ma mère.

 

As-tu vécu de bons moments avec ta mère ?

Malgré que j’aie été retirée de cette misère, elle me manquait affectivement car c’était ma mère, même si j’ai pas eu vraiment de bons moments avec elle.

Dans les fermes, c’était dur. Je suis arrivée de Paris dans le Morvan et il y avait de la neige. Le climat était dur et on faisait 8 km dans les bois avec des galoches en bois pour aller à l’école. On était une petite bande, pas tous de la DASS. En arrivant à l’école, il fallait allumer le feu.

 

L’instituteur ne chauffait pas avant votre arrivée ?

Non, c’était à nous de le faire. On allait au patronage tous les jeudis. Je suis restée dans une même famille environ trois ans.

 

Est-ce que tu gardé de bons souvenirs de cette famille ?

Ils étaient gentils, ils voulaient m’adopter. Ils ne pouvaient pas car je n’étais pas abandonnée. Ils étaient gentils avec moi et avaient déjà sept enfants dont certains étaient grands et mariés.

 

Crois-tu que des familles d’accueil faisaient cela parfois pour avoir des revenus ?

Ils faisaient pas ça pour l’argent car ils avaient par mois 15 ou 16 francs par enfant. C’était presque rien et si cela avait été pour l’argent, ils ne m’auraient pas gardée.
C’était dur d’aller traire les chèvres, d’aller s’occuper des animaux tôt le matin.

 

C’est quoi tes plus beaux souvenirs avec cette famille ?

Je m’étais attachée avec un petit poulain.

Au début la dame elle voulait que je l’appelle maman et un jour je lui ai dit « vous n’êtes pas maman ». Cela lui a fait quelque chose. Elle aurait aimé que je lui dise « maman » et elle n’était pas ma maman et j’ai connu ma maman. Je lui disais « Madame ».

 

Tu as recherché ta maman ?

Oui, quand on m’a mise au travail chez un docteur vers 16 ans. A 14 ans, j’ai été dans une école ménagère à Tours un an à deux ans. A seize ans on m’a mise à travailler ; à cet âge je ne savais pas m’occuper des enfants.

C’était dur avec la dame du docteur, je devais faire la cuisine et une autre faisait le ménage. Cette femme de ménage m’a proposé que j’écrive à maman avec le peu que je me rappelais de l’adresse et elle essayerait de lui faire passer mon courrier.

J’ai reçu une réponse de maman qui était à l’hôpital. Et ma patronne, elle fouillait dans ma chambre car elle a trouvé ma lettre. Elle m’a donné une claque, a gardé cette lettre et a dit qu’elle irait trouver le directeur de la DASS. Un peu de temps a passé et elle a été le trouver car je n’avais pas le droit de correspondre. Je ne croyais pas qu’elle le ferait ! J’ai reçu une lettre du directeur de la DASS et j’ai dû aller le voir, je me suis prise un savon : il m’a dit que si je lui réécrivais, j’irais en maison de correction.

Dans sa lettre maman m’a dit qu’elle avait eu un accident et qu’on avait dû l’amputer. Ensuite, je n’ai plus osé lui écrire, cela a été fini.

 

Et pourquoi as-tu crié vers Dieu ? Comment est-ce venu en toi ?

J’en avais entendu parler au patronage les jeudis ; c’était avec des prêtres. Ils nous parlaient de Dieu. Ils connaissaient bien la situation des enfants et ils étaient gentils.

 

Ensuite comment as-tu cheminé avec Dieu ?

A un moment ça allait mieux : je travaillais, je me suis mariée. J’ai dit à Dieu : « tu m’as aidée à m’en sortir. » Je l’ai remercié pour mes enfants. Ensuite, je suis redescendue presque au même niveau.

J’ai divorcé après presque 18 ans de mariage. Je me suis retrouvée à la rue avec les enfants. On a été relogés avec mes enfants dans un foyer, à l’Ecluse, presque un an. C’était un passage. Après, il fallait chercher un appartement. J’ai trouvé un logement, du travail par les gens de l’Ecluse.

ATD Quart Monde, c’est après que j’y suis allée, par une religieuse : Jeannette
Grâce à ATD j’ai connu mes droits, j’ai appris à me défendre, j’ai eu une vie plus agréable avec des amis, j’ai eu l’impression que Dieu était venu vers moi.
Après, je me suis dit que finalement il a toujours été avec moi, qu’il me traçait le chemin à suivre, il m‘a montré le bon exemple.

Après, j’ai eu un accident de voiture, la voiture était pliée ; ils ont mis une heure et demie pour m’en sortir et je suis restée plus d’un mois dans le coma. J’en suis ressortie avec des douleurs à la tête mais vivante. Si je suis vivante il y a bien un Dieu qui a sans doute dit « c’est pas ton heure » : j’avais encore beaucoup de choses à accomplir sur la terre.

 

Dans la personne de Jésus qu’est ce qui te touche le plus ?

C’est le partage aux autres par la multiplication des pains.

 

Qu’est ce que le groupe de prière t’apporte ?

Le groupe de prière Chrétiens du Quart Monde, ça m’a appris à mieux connaître Dieu comme il faut. J’ai connu vraiment Dieu quand on parle des textes, des Evangiles. Et puis quand on prie ensemble, on a plus de poids dans notre prière.

 

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Texte intégral de Renée Lefebvre