Une spiritualité à partir du plus pauvre (6)

Aller vers l’Evangile avait été, depuis toujours, comme de retourner vers une terre natale. Dans l’univers où allait et venait le Seigneur, je me retrouvais chez moi, comme dans un environnement familier, tout à fait présent. Enfant pauvre, grandissant dans un foyer où nous mangions rarement à notre faim, auprès d’une mère constamment humiliée pour son dénuement, je retrouvais dans l’entourage de Jésus, les visages et les voix des miens, comme je ne les retrouvais pas à l’école ni parmi les habitants plus aisés du quartier Saint-Jacques où j’habitais. C’était dans le monde qui m’entourait, plutôt que dans l’Evangile, que j’avais besoin de traduction.

[Heureux vous les pauvres, p. 17]

Nous lisons toujours les Evangiles à partir de ce que nous sommes : à partir de notre histoire personnelle, à partir de la manière dont nous nous comprenons nous-mêmes et à partir de notre foi.

C’est cela aussi qu’a vécu le père Joseph Wresinski.

« A force de vivre en milieu très démuni, j’ai appris à me rendre compte combien plus malheureux encore qu’ailleurs, combien sans défense y sont les infirmes, les aveugles, les handicapés,

Je ne pouvais pas ne pas affronter la question des estropiés, des paralysés, des sourds-muets au temps de Jésus.

Les boiteux, les épileptiques, les handicapés mentaux dans les cités sous-prolétariennes m’ont alors servi de leçon et de guide. »

[Heureux, vous les pauvres, p. 78-79]

« Les plus pauvres m’aidèrent à approcher Jésus dans la foule de son temps. »
[Heureux vous les pauvres, p. 61]

« Etre parmi ces familles [très pauvres, à Noisy-le-Grand] devint, pour moi, être dans la foule entourant Jésus. »   [Heureux vous les pauvres, p. 65]

La vie partagée avec les très pauvres est l’expérience à partir de laquelle le père Joseph lit l’Evangile.
C’est à partir de cette expérience qu’il écoute, entend et rencontre la parole et la présence du Christ.

Toute lecture chrétienne de l’Evangile se fait à partir du Christ, car c’est Lui qui fait disparaître le voile qui recouvre les mots des Evangiles. [Voir la deuxième Lettre de Paul aux Corinthiens 3, 14-16].

Mais quels sont le visage et l’expérience de vie du Christ à partir duquel nous lisons les Evangiles ?
Qui est-il le Christ, – lui qui est le centre, le cœur et le sens des Evangiles ?
Pour le Père Joseph, le Christ est le Fils de Dieu fait homme de la misère.