Une spiritualité à partir du plus pauvre (10)

Pour ma part, à force de vivre en milieu très démuni, j’ai appris à me rendre compte combien les infirmes, les aveugles, les handicapés y sont plus malheureux encore qu’ailleurs, y sont davantage sans défense.

Je ne pouvais pas ne pas affronter la question des estropiés, des paralytiques, des sourds-muets au temps de Jésus.

Les boiteux, les épileptiques, les handicapés mentaux dans les cités [très pauvres] m’ont alors servi de leçon et de guide. » 

Heureux vous les pauvres, p. 78-79.

 

Nous avons déjà parlé de la manière dont le père Joseph Wresinski lit les Evangiles. Mais il faut y revenir tant cet aspect est important pour toute sa spiritualité. Le père Joseph découvre une grande ressemblance entre sa propre expérience, celle des plus pauvres, et les Evangiles.

« Etre parmi ces familles [très pauvres, à Noisy-le-Grand] devint, pour moi, être dans la foule entourant Jésus. »

« Les plus pauvres m’aidèrent à approcher Jésus dans la foule de son temps. » [Heureux vous les pauvres, p. 65 et 61]

Pour le Père Joseph, l’expérience vécue de la grande pauvreté est le lieu de la rencontre avec le Christ, et deviendra le lieu de la lecture de l’Evangile.

La lecture chrétienne de l’Evangile, et de l’ensemble de la Bible, se fait à partir du Christ.
C’est le Christ qui fait disparaître le voile qui nous empêche de comprendre la parole de Dieu [voir la 2ème Lettre de Paul aux Corinthiens 3, 14-16].

Pour le Père Joseph, la clé de lecture a un accent très particulier : il lit l’Evangile à partir de la contemplation du Christ, Fils de Dieu fait homme de la misère.

Au sujet de cette lecture, on peut répéter ce qu’écrivait le Père Joseph :

« Il faut du temps pour nous transformer, pour changer de regard et nous purifier »   [Les pauvres sont l’Eglise, p. 238]

C’est-à-dire : contempler Jésus, à partir de la souffrance et de l’humiliation des plus pauvres du monde, entraîne le croyant à un voyage de grande ampleur :  Laisser se transformer le visage que nous avons de Dieu…

 Nous laisser enseigner, pas seulement ni d’abord par les sages et les instruits, mais par les petits et ceux à qui Jésus s’est pleinement identifié [Evangile de Matthieu 11, 25 ; 25, 31-46].

 Laisser l’Esprit Saint nous conduire « à l’intérieur de la vérité tout entière » [Evangile de Jean 16, 13], et reconnaître que cette vérité qu’est Jésus [Evangile de Jean 14, 6] n’est pas un savoir, n’est pas non plus une règle de conduite ou une doctrine…,  mais le Christ qui s’humilia jusqu’à subir la honte de la mort sur la croix des esclaves [voir Lettre de Paul aux Philippiens 2, 6-8].