Une spiritualité à partir du plus pauvre (9)

Le père Joseph Wresinski lit les Evangiles en faisant un va et vient entre les pauvres d’aujourd’hui et les pauvres du temps de Jésus, entre les misérables d’aujourd’hui et Jésus lui-même.

C’est une de ses originalités.

De ce point de vue, il s’agit pour le père Joseph d’une lecture qui va à l’intérieur de la personne de Jésus.

Ce qu’Ignace de Loyola (le fondateur des Jésuites, 16ème siècle.) appelait une « connaissance de l’intérieur de Jésus ».

Cette expression a un double sens : une connaissance qui vient de l’intérieur, et une connaissance qui va jusqu’à l’intérieur de Jésus.

Le père Joseph décrit la même expérience d’une autre manière et dans un contexte différent :

« La première exigence de la charité est de connaître, c’est à dire, de découvrir, dans le Prochain, le contenu de sa foi, de son espoir et de son amour ou peut-être aussi de son scepticisme, de son désespoir et de sa haine. Etre présent à son frère, c’est connaître le contenu de son désespoir. »   [Ecrits et paroles, I, p. 46]

On peut penser qu’il ne s’agit pas seulement de connaître, mais d’entrer dans le contenu du désespoir de l’autre. C’est-à-dire non pas se contenter d’expliquer pourquoi telle personne est découragée, désespérée, mais d’essayer de comprendre le contenu de ce que vit cette personne, d’entrer à l’intérieur de sa souffrance ou à l’intérieur de son courage.

Le Père Joseph, en cette formule, décrit une attitude impossible à réaliser par nos propres forces, à la force du poignet comme on dit.

C’est un don qui est à recevoir, et qui n’est jamais acquis une fois pour toutes.
Il s’agit là d’une expérience spirituelle fondamentale.

On peut lire les phrases citées ci-dessus comme une description très réaliste du comportement de Jésus lui-même : Jésus connaissait le contenu de ce que vivaient les gens qu’il rencontrait…

L’Evangile le dit de manière très claire :

« Jésus n’avait pas besoin d’un témoignage sur l’homme : car lui-même connaissait ce qu’il y avait dans l’homme » [Evangile de Jean 2, 25]

« On ne peut pas aimer, si l’on n’a pas le temps de regarder, de comprendre, de pénétrer les choses, de les découvrir en profondeur, de les introduire en soi. Le temps de se transformer soi-même, de devenir un être nouveau, puisque l’on a connu quelque chose de nouveau. »   [Ecrits et paroles, I, p. 177]

Et un peu plus loin le père Joseph continue :

« Une réalité pénètre en nous et nous transforme. »   [Ecrits et paroles, I, p. 178]