Une spiritualité à partir du plus pauvre (2)

 

 

Les plus pauvres nous le disent souvent : ce n’est pas d’avoir faim, de ne pas savoir lire, ce n’est même pas d’être sans travail qui est le pire malheur de l’homme.
Le pire des malheurs est de vous savoir comptés pour nuls, au point où même vos souffrances sont ignorées. Le pire est le mépris de vos concitoyens. Car c’est le mépris qui vous tient à l’écart de tout droit, qui fait que le monde dédaigne ce que vous vivez et qui vous empêche d’être reconnus dignes et capables de responsabilités.

Le plus grand malheur de la pauvreté extrême est d’être comme un mort-vivant tout au long de son existence.

« L’indivisibilité des droits de l’homme », dans Refuser la misère, p. 221.

 

 

La spiritualité à laquelle nous introduisent les Evangiles ne nous invite pas au rêve ni à l’illusion. Elle nous conduit plutôt à être avec les autres comme Jésus était avec ses contemporains. Et il n’a jamais manqué de regarder les hommes et les femmes dans la situation réelle où ils se trouvaient. Ils les a toujours rencontrés tels qu’ils étaient.

A la suite du Christ, nous ne pouvons pas nous échapper de la vie dure des personnes qui vivent dans la misère ou la précarité.

Il est nécessaire d’en prendre toute la mesure.

C’est pourquoi le père Joseph Wresinski fondait toujours sa réflexion, spirituelle ou politique, à partir de l’expérience de telle personne qu’il avait rencontrée ou écoutée, de telle situation dont on lui avait parlé.

C’est la souffrance, la résistance et le courage des hommes et des femmes subissant la misère qui étaient sa référence. Il y revenait sans cesse pour être sûr de ne pas se tromper de combat.

« La misère représente l’au-delà de toutes les souffrances. »

« La misère est l’état de l’homme à qui ses frères n’ont pas laissé les moyens élémentaires de se sentir et de se montrer un homme. »

« Elle est un affront et un oubli de l’homme. »

(Les pauvres, rencontre du vrai Dieu, p. 127, 137, 149.)

 

« L’exclusion, c’est être condamné à vivre sans pouvoir manifester à l’autre qu’on est un vivant ; c’est être condamné à demeurer sur terre, sans y avoir de demeure, condamné à parler sans y avoir de parole. L’exclusion est un état de mort vivant. »   [Une conférence en Belgique, 1981]

Le père Joseph témoignait de la souffrance des gens pour faire reconnaître leur courage et leur force, leur désir de vivre.

Il pensait que la souffrance que fait naître la misère pouvait être un tremplin pour la libération d’un peuple. Et c’est cela qu’il faisait entendre lorsqu’il parlait des règlementations injustes de nos politiques ou des difficultés que rencontraient les très pauvres dans l’Eglise.